Faire une collection pendant le confinement relevait du « miracle », mais Dior a organisé mercredi son premier défilé post-Covid dans le centre historique de Lecce (sud de l’Italie) habillé de lumières pour donner de l’espoir aux artisans et artistes touchés par la crise.


« Tout le monde a participé avec beaucoup d’enthousiasme à ce projet, on s’est dit: essayons, travaillons à distance, avec le zoom, mais allons de l’avant! Et quand nous avons vu la collection, on s’est dit c’est un miracle. Nous ne croyions pas y arriver un jour », a confié à l’AFP Maria Grazia Chiuri, créatrice des collections femme de Dior.
Des robes longues dans toutes les nuances du blanc cassé ou en patchwork de mouchoirs brodés, des motifs coquelicots et bleuets, des épis de blé en raphia brodés sur du tulle en soie noir, un tissu à rayures comme une couverture de matelas, la profusion des volants, même sur des pantalons : la femme Dior part en croisière habillée rustique, mais très chic.
Dans un pied de nez à la morosité ambiante, elle brille et pétille: le thème multicolore avec la prédominance du rose et orange est développé sur des manteaux en jacquard de cachemire ou sur la légendaire veste bar Dior, en maille.

Installations lumineuses

Des broderies de perles et de paillettes sur de la mousseline ou du suède font écho aux installations lumineuses. Les bijoux sont inspirés de la collection d’oeuvres de la Grèce antique du musée archéologique de Tarente, dans les Pouilles où l’influence grecque est très forte.
Cette collection « croisière », que les grandes maisons parisiennes présentent au printemps, en dehors des quatre Fashion Weeks annuelles et souvent à l’étranger, a été lancée en novembre, mais réalisée en grande partie pendant le confinement dans des conditions inédites.
Même sans invités, la maison a maintenu le défilé initialement prévu en mai, sur la Piazza del Duomo à Lecce, dans la région des Pouilles, terre chère à Maria Grazia Chiuri, dont son père était originaire et où elle passait ses vacances chez ses grands-mères agricultrices. La collection Dior Haute Couture, réduite et avec des habits miniatures, a été présentée début juillet dans un film pendant la Fashion Week virtuelle à Paris.
De multiples collaborations à l’origine du show de Lecce célèbrent et réinterprètent les savoir-faire traditionnels de la région: de l’art du tissage aux « Luminarie », ces architectures lumineuses qui « habillent » les villes du sud de l’Italie pendant les fêtes. Pendant le confinement Maria Grazia Chiuri a appelé l’artiste Pietro Ruffo et lui a demandé de dessiner des motifs floraux pour une « Miss Dior liée aux Pouilles ».

Rite de renaissance

Le compositeur et chef d’orchestre Paolo Buonvino a imaginé un accompagnement pour le spectacle réinterprétant des mélodies traditionnelles qui a été exécuté par des musiciens de l’Orchestra Roma aux côtés de ceux d’un orchestre populaire local. « Il m’a fait écouter des morceaux par téléphone, c’était irréel », raconte la créatrice.
La chorégraphe israélienne contemporaine Sharon Eyal a conçu une performance dansante pour le défilé s’inspirant des iconiques tarantelles du sud de l’Italie censées provoquer une catharsis libérant le corps et l’esprit par les mouvements.
Pour certains tissus à motifs uniques, Maria Grazia Chiuri a sollicité la Fondation Le Costantine qui donne du travail à des femmes pour les rendre financièrement indépendantes. Pendant le confinement, des vieux métiers à tisser en bois ont été transférés chez elles pour qu’elles puissent continuer à travailler.

Pas de mode sans défilés

« Amando e cantando » (en amant et en chantant) comme proclame leur devise, brodée sur le bas de certaines jupes de la collection. « Etre à la maison sans travailler, c’était déprimant. Créer avec ses mains a aidé à surmonter ce moment difficile », estime Maria Grazia Chiuri.
« Nous sommes très heureux de donner aux artisans locaux un espoir pour l’avenir. Tout le monde était content de participer à ce rite de renaissance collective ».
Pour Dior, maintenir le défilé, même sur une place vide, était une façon de rendre hommage aux « artistes, musiciens et artisans » en France et en Italie qui l’ont préparé et leur « donner l’occasion de rebondir » en pleine crise économique due à la pandémie du coronavirus.
« Les défilés sont une expression fondamentale de la mode. Les substituer par des présentations en ligne, personnellement je n’y crois pas », conclut Maria Grazia Chiuri.

Source Fashion Network

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