Dans une tribune des Echos, les membres de l’Observatoire Netexplo Smart Cities analysent l’abandon par Sidewalk Labs, la filiale d’Alphabet, maison mère de Google, au projet d’urbanisme « le plus intelligent du monde » à Toronto, au Canada, lancé en octobre 2017 pour réhabiliter une friche portuaire urbaine, Quayside, avec l’appui du gouvernement fédéral canadien, de la région de l’Ontario et de la municipalité de Toronto.

Urbanisme repensé, architecture audacieuse, souci écologique, qualité de vie, circulations douces, nouveaux matériaux, gestion climatique, utilisation de robots de livraison… : « Quaysidee » était un modèle de « smart citiy », vitrine mondiale pour Sidewalk Labs qui a renoncé en mettant en avant la crise économique postpandémique.

Mais la réalité est différente. Si toute la promotion du programme de Sidewalk Labs reposait sur un urbanisme high-tech idéalisé, aux maquettes alléchantes, il y avait un autre « volet Google » installation massive de caméras et autres capteurs sans consentement ou information des citoyens cibles qui a établi le soupçon que peut-être la ville allait vendre à Google le droit d’espionner les habitants pour en faire commerce.

L’échec de Quayside répond à une transformation de l’opinion. La confortable situation d’ignorance des plus âgés, d’enthousiasme des geeks et d’insouciance des Millenials se transforme progressivement en défiance pour un spectre élargi de populations.

L’abandon du projet Quayside à Toronto est donc un échec qui doit être compris comme une alerte. On a négligé de définir les règles du jeu, l’éthique de cette modernité. C’est à ce genre d’excès que vont s’opposer les citoyens. Ce sont eux aussi qui poussent de plus en plus d’acteurs à réclamer un principe de privacy by design qui impliquerait que tout projet repose sur une anonymisation des données privées, sauf accord explicite (opt-in) de chaque personne concernée.

L’échec de Sidewalk Labs force à inventer d’autres modèles pour les villes de demain, plus inclusifs, et dans lesquels les données ne seraient pas considérées comme des ressources économiques naturellement disponibles pour des multinationales, mais feraient l’objet de réflexions collectives. Cela veut dire produire et utiliser des données choisies pour les priorités qu’elles peuvent servir (par exemple environnementales) et dans les conditions qui permettent des échanges volontaires et fructueux pour tous.

Cela nécessite d’inventer des institutions de débats, de suivi et de contrôle, mais aussi, et peut-être surtout, de réimaginer les perspectives futures de nos villes. Plutôt que des « smart cities » produisant de la valeur économique grâce à la seule extraction des données, les villes de demain pourraient être des « linking cities », dont les valeurs multiples reposeraient sur la création et le maintien des liens entre habitants, territoires et priorités environnementales et sociales.

Source : Les Echos – Résumé Israël Valley

 

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