Les adolescents sont aujourd’hui en première ligne du mouvement écologique. C’est un fait, depuis l’émergence de Greta Thunberg, on les voit de plus en plus prendre position et ne pas hésiter à crier haut et fort leur inquiétude pour leur avenir.

LPH vous présente Sacha Ghnassia, 19 ans, qui milite pour le droit des animaux depuis l’âge de 13 ans ! A travers son histoire, son parcours, ses idéaux, nous avons tenté de comprendre ce qui fait courir ces jeunes et si réellement leur engagement va au-delà d’une simple folie de jeunesse.

Le P’tit Hebdo : Quand as-tu découvert la cause animale ?

Sacha Ghnassia : J’ai commencé à être sensible à cette cause juste après la bar-mitsva. J’avais un chat à la maison et j’avais déjà pu me rendre compte que ce petit animal avait des émotions. Mais le déclencheur a été un reportage sur M6 que j’ai vu à cette période sur une tradition des Iles Féroé,  »les grinds ». En fait, ce sont des pêcheurs qui attrapent des bancs de dauphins et avec une machette leur coupent la gorge. J’ai été choqué. J’ai voulu m’engager pour que cette pratique cesse. J’ai contacté une association, « Sea Shepherd ». Ils m’ont répondu que j’étais trop jeune.

 

Lph : As-tu accepté cette réponse ?

S.G. : Absolument pas. J’ai décidé de militer de mon côté, avec mes moyens. Je partageais des vidéos, des informations et je faisais des dons à des associations avec mon argent de poche.

 

Lph : Des dauphins ton engagement s’est élargi. Comment ?

S.G. : En fait, très vite je me suis demandé pourquoi est-ce que j’étais choqué lorsqu’on égorgeait un dauphin et pas une vache ou un poulet ? Je me suis aperçu que je participais moi-même à la souffrance que je dénonçais de toutes mes forces. J’ai compris que c’était juste une question de culture. Je suis alors entré dans le monde vegan.

 

Lph : Comment a réagi ton entourage ?

S.G. : Bizarrement, lorsque je les sollicitais pour les dauphins, tout le monde me suivait, mais dès qu’il s’agissait des vaches, je notais moins d’enthousiasme… Mes parents m’ont laissé adopter mes choix alimentaires. Àvrai dire, au début, ils devaient penser que je faisais juste ma crise d’adolescence.

 

Lph : Mais c’était bien plus profond ?

S.G. : Evidemment. À14 ans déjà, j’ai ressenti le besoin de m’engager davantage. J’ai fondé une association avec d’autres jeunes de mon âge : le Collectif Jeune Vegan. Nous faisions des tractages pédagogiques, on allait dans la rue, on expliquait aux passants la cause que nous défendions. Au bout de trois ans, l’association comptait 400 membres répartis entre la France, la Belgique et la Suisse.

Et quand j’entendais :  »ça te passera, tu ne connais rien à la vie », eh bien je n’y prêtais pas la moindre attention.

 

Lph : Penses-tu que les jeunes qui s’engagent, comme Greta Thunberg, servent vraiment la cause qu’ils défendent ou au contraire risquent de la rendre moins crédible ?

S.G. : Je pense que c’est justement le rôle des jeunes, avant tout, de s’engager pour ces causes. Nous sommes l’avenir, tout ceci nous concerne au premier plan. On peut critiquer la façon dont Greta agit, mais elle dénonce de vrais problèmes, qu’il faut vraiment prendre en compte.

 

Lph : Greta Thunberg a arrêté l’école pour se vouer à la cause de l’environnement. Tu ne suis pas cette voie puisqu’après avoir fait ton alya à 16 ans, tu passes aujourd’hui ton bac. Comment mène-t-on de front un tel engagement et une vie scolaire ?

S.G. : Tout est une question de priorités. Pour ma part, le plus important c’est la cause animale. Mais pour autant, je tiens à passer mon bac. Donc je vais faire le maximum pour bien travailler à l’école, préparer mes devoirs et mes contrôles de façon à me dégager le temps nécessaire pour militer. Je ne renoncerais pas à une action en faveur des animaux qui peut faire bouger les choses, même si j’ai un examen le lendemain.

 

Lph : Perçois-tu un mouvement en faveur de la cause animale dans nos sociétés ?

S.G. : Oui, c’est très clair et c’est même la principale satisfaction que je peux noter depuis que je suis engagé. L’évolution est certes lente, mais de plus en plus de gens en parlent et l’opinion bascule clairement en notre faveur. A l’époque où j’ai commencé à militer, on me considérait comme un OVNI. Aujourd’hui, on prend les jeunes comme moi plus au sérieux. Et surtout, le monde comprend que les signaux d’alarme sont justifiés.

 

Lph : Justifiés mais peut-être exagérés ?

S.G. : J’invite ceux qui pensent qu’ils sont exagérés à regarder certains reportages sur le traitement des animaux. Je les mets au défi de pouvoir les regarder jusqu’au bout. Les images sont insoutenables, la réalité est très difficile à supporter. Mais ce n’est pas une raison pour faire comme si ce n’était pas la réalité. Des animaux sur terre sont exploités, maltraités. Or, ils ne sont pas des machines, ils ressentent des émotions, la douleur.

 

Lph : Peux-tu comprendre, malgré tout, que la majorité des gens continuent de manger de la viande ?

S.G. : Je l’accepte mais je ne peux pas le comprendre. Je ne peux concevoir que pour un plaisir de 5 minutes, d’une bonne assiette de viande, alors on fasse souffrir de la sorte un animal. Comment peut-on vouloir cela uniquement pour un petit plaisir personnel ? Je sais que le pas vers l’arrêt définitif de consommation de la viande est difficile. Mais je peux témoigner personnellement que l’alimentation vegan est aussi très nutritive et source de plaisirs.

 

Lph : Aujourd’hui où en es-tu de ton engagement associatif ?

S.G. : L’association que j’ai créée a cessé d’exister mais je milite dans d’autres associations. Parallèlement, je suis en train de créer un mouvement comparable à celui de Greta Thunberg, pour la cause animale. Un mouvement mondial qui regroupera des jeunes qui ont entre 16 et 20 ans. Des journalistes français des médias  »Brut » et  »Combini » m’ont déjà contacté pour en parler. Le lancement de ce mouvement est prévu pour juin 2020.

Par ailleurs, j’ai été au Sommet sur le climat de l’ONU. J’y suis allé en tant qu’ambassadeur d’une association écologique, représentant de la branche biodiversité. J’ai été sélectionné parmi 300 candidats pour participer à ce grand rendez-vous. Grâce à cela, je développe sans arrêt des compétences et des connaissances. Je rencontre beaucoup d’experts.

 

Lph : Ce n’était donc pas ta crise d’adolescence ?

S.G. : Vraiment pas ! D’ailleurs quand j’ai été à l’ONU, mes parents se sont vraiment rendus compte que c’était sérieux. Je suis déterminé, c’est une cause qui mérite que l’on s’y consacre. Parce qu’en réalité, il s’agit de protéger le monde animal, mais à travers lui la planète et l’humanité dans son ensemble.

 

Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay

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