« FRANCE-ISRAËL : DESSINE-MOI L’INNOVATION DU FUTUR »

Modérateur : Mme Sophie PRIMAS, Présidente de la commission des Affaires économiques, Sénateur des Yvelines

Ont participé à cette table ronde :

M. Philippe ADNOT, Sénateur de l’Aube, membre du groupe d’études sur le numérique

Pr. Jacques LEWINER, Inventeur multibreveté, directeur scientifique honoraire de l’École supérieure de physique et de chimie industrielle (ESPCI)

Pr. Daniel ROUACH, Président de la chambre de commerce et d’industrie Israël-France

Mme Murielle TOUATY, Directrice générale de Technion France

Mme Sophie PRIMAS – Madame l’Ambassadrice, mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, en tant que Présidente de la commission des Affaires économique du Sénat, je suis extrêmement honorée d’introduire cette première table ronde sur une thématique essentielle pour l’économie de nos deux pays : l’innovation.

Nous donnons ainsi corps, Madame l’ambassadrice, à un projet que nous avions évoqué ensemble le 30 janvier dernier, lors de notre première rencontre à l’ambassade. Je remercie le Président Larcher d’en avoir accepté le principe, et je me réjouis, Monsieur le Président Edelstein, de pouvoir faire coïncider ce moment de réflexion et de partage avec votre venue devant notre Haute Assemblée.

L’objet de notre table ronde est d’évoquer le cadre institutionnel de l’innovation en Israël et en France, dans une perspective comparative qui nous permettra, je l’espère, d’en tirer des enseignements et d’identifier les bonnes pratiques ainsi que les pistes d’action à mettre en oeuvre dans chacun de nos pays.

Je vous propose d’organiser nos débats en deux temps : le premier sera consacré aux soutiens publics que l’on peut qualifier de directs en matière de recherche et développement et d’innovation. Nous y aborderons le soutien financier de l’État à travers son budget et sa fiscalité, mais aussi le thème de l’écosystème public de recherche, notamment ses liens avec l’entreprise.

Le second temps sera consacré à des aspects plus indirects, notamment la culture entrepreneuriale ou la protection de l’innovation.

Je vous propose de débuter par les aspects financiers, notamment le soutien budgétaire et fiscal, et je me tourne vers Philippe Adnot.

Cher collègue, vous êtes membre de la commission des Finances, rapporteur spécial des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche, membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, présidée par Élisabeth Lamure, de la Délégation à la prospective et du récent groupe sur le numérique.

Vous vous êtes intéressé l’année dernière à la question des sociétés d’accélération de transfert de technologie, et vous devriez rendre un rapport cette année sur la performance des établissements d’enseignement supérieur.

Pouvez-vous nous rappeler quels sont les instruments budgétaires et fiscaux mis en oeuvre en France pour développer la recherche et développement ? Nous savons par exemple que le crédit d’impôt recherche constitue un élément extrêmement important dans notre pays…

M. Philippe ADNOT – Je voudrais tout d’abord vous dire le plaisir et l’honneur que je ressens de participer à cette table ronde.

M. le Président de la Knesset a évoqué Rachi. Je tiens à signaler que je suis sénateur de l’Aube et qu’en tant que président du département durant 27 ans, je suis à l’origine de la construction de l’Institut universitaire Rachi, qui jouit d’une belle réputation à Troyes. Si vous ne le connaissez pas, je vous y invite. J’habite à quelques kilomètres de la commune de Ramerupt, où Rachi enseigna et vécut. C’est un lieu très connu en Israël, où j’ai eu l’occasion de me rendre dans le cadre de différents rapports sur l’université et la recherche. J’y ai appris beaucoup. Quand j’ai dit que je venais de Troyes, tout le monde savait où cela se trouvait !

En matière d’innovation, il convient de considérer trois éléments : la capacité à produire de l’innovation, la capacité à faire en sorte que cette innovation soit transférable et les conditions financières et fiscales afin qu’elle puisse aboutir et se développer.

Les gouvernements successifs ont mis en place des conditions exceptionnelles pour ce faire en recourant aux fonds d’investissement et au grand emprunt. Six milliards d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR) sont ainsi destinés aux entreprises pour les aider à faire avancer l’innovation. C’est un outil extrêmement efficace, reconnu internationalement, et très attractif pour les entreprises.

On enregistre cependant encore peu de collaborations entre le secteur privé et le monde universitaire, alors qu’une entreprise peut, par ce biais, voir ses droits doubler.

Depuis la réforme relative à l’autonomie des universités, celles-ci se rapprochent néanmoins plus largement des entreprises. Il est vrai que le secteur de la recherche a longtemps considéré qu’il n’était pas convenable d’entretenir une certaine proximité avec les entreprises. Fort heureusement, les choses changent, même si ce n’est pas encore suffisant.

Lors de ma visite à l’Institut Weizmann, en Israël, les chercheurs de ce prestigieux établissement m’ont dit qu’il faisait de la recherche fondamentale, mais se posait toujours la question de savoir à qui et à quoi celle-ci pouvait servir. En France, il est de bon ton de faire de la recherche fondamentale sans se préoccuper de savoir si cela servira.

Cet état d’esprit est fort heureusement en train de changer. On attend aujourd’hui que la France s’engage en matière d’innovation.

Est-ce suffisant ? Non. Au Canada, certaines innovations ne sont jamais présentées parce qu’on n’a pas fait la démonstration de la maturité de cette recherche.

En France, on a heureusement pu relever ce défi. Il y a dix ans, les universités ne touchaient pas d’argent. Seules quatorze d’entre elles recevaient un très petit fonds de maturation.

Aujourd’hui, alors que 800 millions d’euros ont été accordés au secteur, 400 millions d’euros sont déjà utilisés dans le cadre des sociétés d’accélération de transfert de technologie.

Il nous reste encore beaucoup à faire en la matière. Des expériences comme celle qu’est en train de conduire le professeur Lewiner dans son université, dont il parlera tout à l’heure, sont extrêmement importantes car elles vont permettre de corriger la trajectoire des sociétés d’accélération de transfert de technologie pour les rendre plus rapides, plus souples, plus efficaces et plus réactives.

Une fois la recherche parvenue à maturité, il reste à faire en sorte qu’elle puisse se développer de manière intéressante. Des financements ont été mis en place pour les start-up à travers les fonds d’investissement grâce à un statut fiscal permettant de réduire les charges sociales engagées pour les jeunes chercheurs. Ce système est extrêmement efficace, mais il reste encore beaucoup de progrès à accomplir.

Il convient toutefois de ne pas interrompre la chaîne si l’on veut que tout ceci fonctionne.

Mme Sophie PRIMAS – Je me tourne vers le Professeur Daniel Rouach.

Monsieur le Professeur, vous êtes Président de la chambre de commerce et d’industrie Israël-France, professeur associé à l’ESCP Europe et codirecteur du master spécialisé « Innover et entreprendre ». Vous êtes un expert reconnu au niveau international dans le domaine des transferts de technologie, de l’innovation et de l’intelligence économique. Vous êtes également membre de plusieurs conseils d’administration d’entreprises privées et d’organismes publics.

L’effort de recherche israélien est bien plus important que le nôtre : selon l’OCDE, il dépasse les 4 % du PIB israélien, quand nous stagnons depuis les années 1990 autour de 2,2 %.

Pouvez-vous brièvement revenir sur le modèle israélien en matière d’innovation ?

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