Un article de Noémie Grynberg.

Que reste-t-il aujourd’hui de l’immense patrimoine juif au Maroc ? En sillonnant le pays sur les traces des communautés perdues, le passé se mêle au présent dans des images colorées et évocatrices.
Voyage initiatique me menant dans les pas de ma famille maternelle, je pars à la découverte de la vie de mes grands-parents, enseignants originaire d’Irak et de Turquie, envoyés au Maroc par l’Alliance Israélite Universelle et de celle de ma mère, née à Casablanca où elle a passé toute sa jeunesse.
Le voyage débute par sa capitale économique, Casablanca, ville occidentalisée et moderne. Cette grande cité portuaire a, de tout temps, connu la plus importante communauté juive du Maroc ; encore aujourd’hui, elle regroupe la majorité des quelques milliers qui restent. Elle abrite à ce jour plusieurs dizaines de synagogues, 6 ou 7 restaurants casher, quelques boucheries et une institution habad.
Casablanca comptait avant l’Indépendance 2 quartiers juifs principaux : l’ancien mellah et l’ex quartier européen du centre ville. Le premier, toujours très animé, ne compte quasiment plus de Juifs sauf quelques rares bijoutiers encore présents. Leurs magasins et habitations ont été investis par les Arabes.

Il est difficile aujourd’hui d’obtenir une estimation précise sur le nombre de Juifs au Maroc : entre 2.000 et 7.000. Ceux qui y résident sont principalement des personnes âgées, des retraités ou des possédants d’affaires, surtout des commerces. Une minorité de Juifs ayant quitté le Maroc y sont revenus (surtout d’Israël ) faute de pouvoir s’adapter ailleurs. En tout cas, tous les Juifs du Maroc ont de la famille en Israël et s’y rendent régulièrement.
Quant aux jeunes, ils partent, essentiellement en Israël, en France, au Canada ou encore aux Etats-Unis. D’abord parce qu’ils sont conscients que leur avenir professionnel ou personnel n’est pas au Maroc.
Les grands centres urbains disposent d’infrastructures nécessaires à la communauté : synagogues, boucheries, etc. Les Juifs avouent vivrent en bonne entente avec les musulmans. Ils ne se sentent pas victimes d’actes antisémites ou de climat hostile. De rares personnes ont été les cibles d’agression physique au couteau. Cependant, les Juifs du Maroc admettent quand même ne pas se promener dans la rue avec kippa ou tsit-tsit dehors.
La communauté demeure très reconnaissante envers l’actuelle monarchie qui depuis Mohamed V jusqu’à Mohamed VI en passant par Hassan II, l’a protégée. Ce sont en effet les autorités marocaines qui assurent la sécurité des institutions juives.
Malgré tout, certains Juifs restent conscients d’une dégradation des conditions de vie suite aux 2 deniers conflits israéliens. Quelques uns commencent même à avoir peur.
Je quitte le Maroc avec un petit pincement au cœur. J’ai découvert un beau pays aux habitants accueillants et serviables. En partant, je laisse derrière moi une partie de mon histoire familiale. Je laisse surtout ma grand-mère Noémie dont je porte le prénom, enterrée au cimetière Ben M’sik de Casablanca. Mais j’emporte avec moi les souvenirs d’une terre où jadis a fleuri une riche communauté juive aujourd’hui disparue dont il ne reste que d’innombrables vestiges figés.
Noémie Grynberg (http://www.noemiegrynberg.com)
Photo d’illustration uniquement. Source photo :http://www.givememyremote.com/remote/2006/04/14/adam-brody-appreciation-night/

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