LE MEILLEUR DU WEB. Dans le blog de Jacques Benillouche. « Le chef d’État-Major Gadi Eizenkot est un général expérimenté, très apprécié de ses officiers et de ses troupes. Il a fait sa carrière militaire dans la brigade Golani. On le qualifie de «faucon éclairé» parce qu’il est implacable mais pas va-t-en-guerre. Son autonomie de pensée lui permet d’être libre dans ses jugements et de ne pas approuver ce qu’il peut considérer comme de l’aventurisme. Il n’est un secret pour personne qu’il rejette toute option militaire contre l’Iran «à moins d’être pris à la gorge». Pour lui et contrairement aux positions des dirigeants politiques le danger vient en priorité du Nord.
Il avait eu le courage d’adresser en 2010 une lettre au premier ministre pour lui conseiller de renoncer à toute attaque contre l’Iran parce qu’elle entraînerait le pays dans une guerre dangereuse et mettrait fin à l’historique alliance israélo-américaine, sans garantie de résultats. Mais il est loyal, discipliné et respectueux de la loi sachant qu’à l’instar de tous les pays démocratiques, l’armée est aux ordres du pouvoir politique. Cela ne l’empêche pas d’avoir un franc-parler qu’on lui tolère car ses officiers lui reconnaissent un sens stratégique et une expérience opérationnelle remarquables.
Parce qu’il avait commandé le front Nord de Tsahal, il est devenu expert de la région. Sa préoccupation reste la Syrie et le Liban, investis par un Hezbollah toujours menaçant. Face aux dizaines de milliers de missiles et de roquettes détenus par cette milice, il a averti les Libanais que «chaque village libanais servant à des tirs sera rayé de la carte. Les plans sont déjà approuvés. S’il le faut, nous frapperons vite et fort». Il n’est pas de ceux qui montrerait une quelconque faiblesse face à l’ennemi mais il n’est pas prêt à le provoquer.
Sa dernière analyse concerne l’infanterie qu’il a réformée parce qu’elle n’était plus adaptée au champ de bataille moderne. Le corps de l’armée de terre est divisé en 5 brigades : la Brigade Golani, la Brigade Givati, la Brigade Nahal, la Brigade Kfir et la Brigade Parachutiste. Il estime qu’elle avait surtout perdu ce qui faisait sa force, l’élément de surprise. Depuis l’avènement de l’aviation, l’infanterie de Tsahal avait été reléguée à des opérations de second niveau. Les brigades s’entraînaient peu parce que les budgets de l’armée de terre étaient de plus en plus réduits. Longtemps, on a privilégié le tout-aviation, comme d’ailleurs durant la guerre de Liban de 2006 qui fut un demi-échec aux yeux du chef d’État-Major.
Eizenkot avait donc lancé une étude approfondie de l’armée terrestre sous la rubrique «Yabasha Ba’Ofek» (Terre à l’horizon). La conclusion fut édifiante. Les temps de réponse sur le champ de bataille ayant été considérablement réduits, l’infanterie n’était plus adaptée pour réagir. Elle avait face à elle des forces ennemies qui connaissent bien la zone de combat, qui la surveillent en permanence pour détecter tout changement éventuel afin d’assimiler les mouvements de Tsahal bien à l’avance. Par ailleurs, la présence volontaire de civils dans la zone de combat urbaine permet à l’ennemi de les utiliser comme boucliers humains et même de délégitimer les activités de Tsahal auprès des media. L’État-Major a fini par comprendre que l’infanterie ne peut plus être une simple gardienne de la frontière mais une force efficace sur le champ de bataille moderne.
La nouvelle stratégie de Tsahal est devenue à l’opposé de celle qui était en vigueur. Tsahal doit dorénavant avoir les mains libres dans son offensive et se décharger de la contingence de la protection des civils. C’est pourquoi des plans ont été préparés pour faire évacuer la population civile israélienne des zones de combat, dès le début des hostilités. Chaque village, chaque quartier, chaque habitant, a déjà reçu notification de l’endroit où il devra se rendre dès que l’ordre lui sera donné. Il s’agit d’un changement total de philosophie de l’armée qui considérait jusqu’alors l’évacuation des civils comme une preuve de faiblesse.
Eizenkot a conçu une nouvelle stratégie «Fire Canopy» (canopée ou rideau d’incendie) qui combine des systèmes d’armes spécialisés avec une doctrine opérationnelle intégrée. Les forces terrestres sont équipées de plates-formes aériennes fonctionnant aux niveaux inférieurs et entièrement contrôlées par les soldats sur le terrain, pour intervenir dans un délai plus court.

 Le système «Tzayad» (chasseur), le GPS high-tech de Tsahal, mis en place en 2012 a été amélioré pour permettre aux unités de partager des informations sur l’emplacement des troupes amies et ennemies. Il peut recevoir désormais des données provenant de plusieurs sources simultanément et interpréter les données en un flux unique, offrant aux commandants l’information dont ils ont besoin pour prendre des décisions instantanées sous le feu ennemi. Les commandants peuvent télécharger des informations sur leur unité, y compris leur position et le nombre de soldats. Sur la base de ces données, le système détermine si les soldats ont besoin de plus de munitions ou de fournitures et il envoie automatiquement une requête au commandant. Il peut planifier des itinéraires pour les officiers et identifier les dangers sur la route. Les positions ennemies sont mises en valeur en rouge, tandis que les troupes amies apparaissent en bleu.
Gadi Eizenkot a misé sur l’infanterie, aidée de l’aviation, pour neutraliser les troupes du Hezbollah appuyées par l’Iran. L’avenir dira si sa stratégie aura été payante face à ceux dont le credo restait le tout-aviation contre l’Iran lointain. Une certitude, il a donné à Tsahal les moyens d’être prêt à relever tous les défis venant de Syrie et du Liban ».
https://benillouche.blogspot.fr/2017/09/tsahal-adapte-linfanterie-aux-nouveaux.html

         

 
 
 

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