« Kira Radinsky, une prophétesse parmi nous », un article de David Jortner (lemag.co.il).

Elle a eu les honneurs de BBC et du TIME, du Wall Street Journal, de Forbes, de Paris Match et du Point. Et pourtant, en Israël, elle n’est connue que d’un petit nombre de spécialistes.

Kira Radinsky travaille pour des patrons et des gouvernements. Car elle est capable d’anticiper un événement, un phénomène social, une crise mondiale, une épidémie. Et de dire – avec une marge d’erreur de 10 à 30 % – si tel nouveau produit fera un flop ou un carton. À la base de tout cela : aucune boule de cristal, mais des millions d’informations patiemment rassemblées et structurées autour de savants algorithmes. Tout commence en 1991, lorsque Kira Radinsky, qui a alors 4 ans, arrive en Israël avec ses parents. Le Rideau de fer vient de s’entrouvrir : pour sa famille, des intellectuels russes, descendre de l’avion à Ben Gourion, c’est l’assurance de pouvoir respirer plus librement. Et de commencer une nouvelle vie.
Surdouée, Kira Radinsky l’est certainement puisqu’elle a écrit sa première ligne de codes informatiques à l’âge de 6 ans. Elle reconnaît que c’est à son père, prof de maths, qu’elle doit son esprit d’analyse et son aptitude à apprivoiser les chiffres.
Après avoir obtenu son bagrout (bac israélien), elle est acceptée sans difficulté au Technion de Haïfa, d’où elle sort, en 2012, avec un doctorat en poche et … une ceinture noire de karaté. L’informatique n’a alors plus aucun secret pour elle. Elle pressent qu’en soumettant à la puissance de calcul des ordinateurs toutes les données (démographiques, historiques, économiques, sociologiques, climatiques, sanitaires, etc.) disponibles pour tous les pays de la planète, on pourrait parvenir à mettre tout en équation. Et à partir de toute situation, prédire ce qui pourrait arriver.
Reste qu’il lui faut valider ses intuitions. En 2012 – au cours de sa dernière année au Technion – Kira Radinsky poursuit ses recherches et annonce qu’une épidémie de choléra frappera l’île de Cuba cette même année. Personne ne la croit jusqu’à ce qu’en janvier 2013, l’épidémie pronostiquée se déclare à La Havane. Comment en est-elle arrivée là ? En croisant les statistiques climatiques de l’Asie avec l’état sanitaire des pays qui la composent, Kira Radinsky a découvert qu’il existe un rapport entre ce fléau et le climat hyper sec du Bangladesh dans les années 60.
Elle peut alors affirmer que « le choléra se déclare après des orages qui succèdent à des périodes de sécheresse de six mois ». Résultat : dans le microcosme des business-angels, on commence à s’intéresser à elle.
Kira Radinsky décide alors de fonder sa boîte. Classée par le MIT (Massachussets Institute of Technology) parmi les 35 inventeurs les plus innovants de moins de 35 ans, elle réussit à convaincre Yandex (le Google russe) de lui avancer 1 million de dollars. Le capital-risqueur KGC lui en fournira 4 autres, à condition – le marché israélien est trop étroit – qu’elle s’installe aux Etats-Unis.
C’est ainsi que naît en 2014, au 995 Market St San Francisco, SalesPredict. Raison sociale : « entreprise de marketing prédictif ». Pour l’heure, Kira Radinsky est particulièrement discrète sur l’identité de ses clients. On sait seulement qu’elle a travaillé pour InsideView (partenaire d’Oracle), SalesForce et SAP. Partageant son temps entre son bureau en Californie et Israël – SalesPredict a ouvert une antenne à Netanya – Kira développe avec son mentor, le Pr Chaoul Markovitch, des applications en intelligence artificielle pour prédire des événements historiques et économiques. Parmi ses succès : la prédiction des soulèvements au Soudan en septembre 2013. Suite à quoi, plusieurs services de défense lui commandent des « études ». Actuellement, Kira Radinsky affirme se préoccuper seulement de problèmes humanitaires : « Ce qui m’intéresse, c’est ce qui pourrait changer le monde en mieux. Surtout quand les gens pensent que ça n’arrivera pas ! ».


Des algorithmes pour prédire l’avenir
La technologie développée par Kira Radinsky s’appuie sur la numérisation d’une quantité astronomique d’informations. Entre autres sources, elle a ainsi numérisé le contenu de toutes les informations parues dans le New York Times depuis 1991. Même chose avec tous les fichiers publiés sur Wikipédia depuis sa création. Idem avec les statistiques de la Banque mondiale, de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), et de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
Puisant dans cette immense masse de données, elle va demander à ses ordinateurs de rechercher les corrélations qui peuvent – ou ne peuvent pas – exister entre un tremblement de terre et le taux de natalité des pays en voie de développement, entre un tsunami et l’évolution du prix du pétrole, entre le taux de chômage dans tel pays et l’élection de tel président dans tel autre, etc.
Croiser entre elles des centaines de milliers de variables pour trouver des rapports de causalité est un travail de fourmi, où l’intuition se fait toute petite devant la puissance de traitement des outils informatiques d’aujourd’hui.
 

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