Israël Leaders. Steff Wertheimer (Iscar), une histoire extraordinaire.

Par |2017-08-13T07:34:52+02:0013 Août 2017|Catégories : ECONOMIE|

Un article de David Jortner pour lemag.co.il)

Steff Wertheimer est l’un des principaux artisans de l’indépendance industrielle d’Israël.

Été 1937 : Stefan (Steff) Wertheimer – né en 1926 – a tout juste onze ans lorsqu’il arrive en Israël avec ses parents. Derrière eux, l’Allemagne nazie s’apprête à anéantir ses Juifs. Les Wertheimer sont partis à temps de leur maison de Kippenheim, dans le Bade-Wurtemberg. La famille s’installe tant bien que mal à Tel-Aviv. Pour le jeune Wertheimer, tout est nouveau : ses copains de classe, à l’école Tel Nordau, parlent une langue qu’il maîtrise mal. Il s’y fera, mais il sent que les études ne sont pas faites pour lui.
Un adolescent bricoleur
À 14 ans, alors qu’éclate la Seconde Guerre mondiale, il quitte le collège. Sans aucun diplôme. Il trouve un petit job chez un vendeur d’appareils photo. On lui confie des pièces à réparer. Et le voilà qui se découvre un intérêt pour l’optométrie, qu’il se met à étudier avec passion. Il rencontre le physicien et chimiste Emanuel Goldberg : après avoir été l’un des fondateurs de la société d’optique Zeiss Ikon à Dresde, ce Juif russe a dû fuir l’Allemagne. Entre l’inventeur et l’adolescent – tous deux nouveaux immigrants – le courant passe. Nous sommes en 1943, dans ce qui s’appelle alors la Palestine. L’Angleterre – puissance mandataire – recrute tous azimuts pour participer à l’effort de guerre. La RAF (Royal Air Force) l’engage – il a 17 ans – comme technicien de maintenance des systèmes optiques embarqués.
Licencié faute de diplômes
En 1945, durant les derniers mois de la guerre, Steff Wertheimer se retrouve dans une unité spéciale que les Anglais ont préparée pour affronter les Allemands, au cas où ils envahiraient la Terre sainte. Peu après, fort de toute cette expérience, SteffWertheimer trouve naturellement sa place dans le Palmach, puis la Haganah (brigade Yifta’h) où il aide à la mise au point de mortiers. Après les hostilités, Shlomo Gour qui vient de fonder la nouvelle unité scientifique de Tsahal (qui deviendra les usines Raphaël), l’embauche. Il y restera jusqu’en 1952 : faute de formation théorique, on lui fait comprendre qu’il n’est plus à sa place dans cette structure qui se veut le fer-de-lance des industries militaires israéliennes.
Dans une arrière-cour
Steff Wertheimer s’installe alors dans la maison familiale de ses parents à Naharyia. Dans l’arrière-cour, sur 20 m², il ouvre un atelier – ISCAR, en hébreu רקשי –  et se met à produire des couteaux, des burins, des outils pour découper et polir le métal. Pour vendre ce qu’il fabrique, il enfourche sa moto et fait le tour des quincailleries du pays. Il n’a pas de mal à trouver des clients. Israël, qui est à ce moment-là un pays en voie de développement, a besoin de tout. Steff Wertheimer conçoit alors des outils pour répondre à la demande de produits métallurgiques élaborés. Devant l’importance de son portefeuille clients, Discount Investments lui avance des fonds pour se développer et embaucher du personnel.
Des usines sur la colline
Au fil des mois et des années, c’est à partir de ce segment étroit – production d’outils et accessoires pour machines-outils – qu’ISCAR va se développer, autant en Israël qu’à l’international. En 1969, pour contrer l’embargo français qui fait suite à la guerre des Six Jours, ses usines tournent à plein régime. Pour s’agrandir, il négocie, en 1982, avec la mairie de Maalot, l’achat d’un grand terrain sur la colline de Tefen, à 15 minutes de Naharyia, d’où l’on domine toute la Galilée. Le gouvernement, qui entrevoit que cette jeune pousse va booster l’emploi dans le nord, le cautionne. Dès lors, tout va s’enchaîner très vite. Contre les banquiers, il réussit à garder le contrôle de son entreprise et fonde ISCAR Blades, qui devient bientôt l’un des premiers producteurs de pales de rotors pour les moteurs à réaction.
Un patron avec une vision
Jusqu’à aujourd’hui, ses clients se nomment Pratt & Whitney, Rolls-Royce, Snecma, General Electric, MTU Aero Engines, Techspace Aero, Solar Turbines, et beaucoup d’autres. En 2006, les excellents résultats d’ ISCAR attirent l’attention du gestionnaire de fonds américain, le milliardaire Warren Buffet. Celui-ci multiplie les offres. Steff Wertheimer a alors 80 ans. Il se dit que le moment est peut-être venu de passer la main. Il est d’accord pour une transition en douceur mais à deux conditions : premièrement, l’actionnaire majoritaire ne procédera à aucun plan social. Ensuite, son fils – Eytan Wertheimer – continuera à être associé à la direction des entreprises du groupe. Warren Buffet s’incline et acquiert 80 % des parts d’ ISCAR. Un deal de 5 milliards de dollars. Une transaction qui profite aussi à la fiscalité israélienne, qui empoche 1 milliard de dollars au passage.
Aider les jeunes
En mai 2013, Buffet s’adjugera les 20 % restants pour 2 milliards de dollars de plus. Pour Steff Wertheimer, cette cession n’est pas synonyme de mise à la retraite. Aujourd’hui, dans les différentes zones industrielles qu’il a créées, en dépit de ses 90 ans, il se consacre à aider de jeunes entrepreneurs. Plus que l’argent, c’est la volonté de faire d’Israël une nation industrielle forte et indépendante qui aura motivé Steff Wertheimer toute sa vie durant.
“Faire travailler ensemble juifs et arabes amènera la paix au Moyen-Orient “
Cette vision conduit Steff Wertheimer à créer sept parcs industriels : à Tefen, Tel-Haï, Dalton, Lavon, Nazareth, Omer (dans le Néguev) et le dernier en Turquie. Il voyagera plusieurs fois aux Etats-Unis pour promouvoir sa vision d’un « Plan Marshall pour le Moyen-Orient ».
Source : lemag.co.il
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