Avez-vous le sentiment qu’Emmanuel Macron a une réelle vision des thématiques liées au Proche-Orient de manière générale ?
Je crois que ce qui définit sa politique est la quête d’équilibre – c’est pour cela qu’il met toujours l’accent sur cette expression « en même temps ». Sa vision consiste à ne pas choisir son camp… ne pas choisir entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, ne pas choisir entre l’Algérie et le Maroc, ne pas choisi entre Israéliens et Palestiniens, trouver une position équilibrée face à des conflits que la France n’a pas les moyens de résoudre. C’est un mélange de modestie et d’équilibre, qui marque un réel changement avec ce que nous faisions précédemment. La diplomatie de Laurent Fabius voulait en quelque sorte prendre la suite des États-Unis après leur renoncement à poser la paix au Moyen-Orient. On s’aperçoit avec le recul qu’il y avait beaucoup d’irréalisme voir d’arrogance dans cette approche. Le nouveau Président semble revenir à davantage de modestie, même si je ne suis pas sûr que sa politique à l’égard du Proche-Orient soit clairement définie aujourd’hui. Je crois en tout cas qu’il y a une forme de réalisme dans son équipe. Ils sont conscients du fait que ni la France ni même l’Europe ne peuvent à eux seuls apporter une solution à ce conflit.
L’idée est donc que la France ne se prenne pas pour le gendarme du monde ?
Elle est surtout de replacer la politique étrangère de la France dans le cadre des priorités européennes. Il y aura sur tous les sujets la volonté de définir un compromis franco-allemand, ce qui peut être bon pour Israël ! La France sait que l’Allemagne, compte tenu de son passé, a une position proche des intérêts de l’État hébreu, même sans être toujours proche de ses gouvernants. C’est là que l’Allemagne et la France peuvent se retrouver, dans l’idée de soutenir à fond Israël, sans nécessairement soutenir à fond son incarnation politique.
Vous qui avez un pied en France et en Israël, avez-vous le sentiment que les Israéliens attendent quelque chose d’Emmanuel Macron ? On sait que le crédit de la France a baissé avec cette fameuse conférence pour la paix qui a été organisée en début d’année…
J’étais en Israël fin février, dans le cadre d’une grande conférence à Jérusalem, et j’expliquais à mes interlocuteurs que Macron serait très probablement le prochain président de la république. Mes interlocuteurs israéliens pour beaucoup n’y croyaient pas du tout, ils voyaient Marine Le Pen à l’Élysée, certains d’entre eux, même, me disaient qu’elle serait élue dès le premier tour. Beaucoup d’Israéliens sont donc passés d’une inquiétude très grande à une surprise totale, et en sont au moment où ils essayent d’intégrer ce que peut signifier cette élection…
Certains voient en Macron le Yaïr Lapid français, qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas très gentil pour Emmanuel Macron ! (rires). J’aurais peut-être dit que Matteo Renzi était le Yaïr Lapid italien… mais pas Emmanuel Macron. Je pense qu’il a davantage de « gravitas », de culture philosophique, et de vraie compréhension de la nature du pouvoir. Il se sent habité par une ambition qui, à tort ou à raison, le fait se sentir comme l’héritier direct de De Gaulle et de Mitterrand. Je ne crois pas que Yaïr Lapid se soit jamais pensé comme le successeur de David Ben Gourion…
Source : http://larchemag.fr/2

 
 

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